Covid, Climat, Complots : quelques pistes de réflexions – Partie III

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[Billet d’opinion] A mes amis chrétiens qui s’interrogent sur le Covid, le changement climatique et la dictature mondiale qui s’en vient…

     5 - Attention aux « experts »
A propos des « experts » qui parlent dans les vidéos, je recommande de se poser un certain nombre de questions : l’expert interrogé est-il compétent pour dire ce qu’il dit ? Parle-t-il d’un domaine dans lequel il est compétent ? Va-t-il à l’opposé du « consensus scientifique » (pour comprendre ce que c’est que le consensus scientifique, je recommande cette excellente infographie du CNRS à propos du consensus sur le changement climatique) ? Sachant qu’il est possible aujourd’hui de trouver sur internet des experts (y compris avec un doctorat) affirmant à peu près n’importe quelle position sur n’importe quel sujet...

Par exemple, le désormais fameux professeur Raoult, promoteur de l’hydroxychloroquine, semble à première vue compétent en médecine épidémiologique. Par contre, une petite recherche rapide sur sa page Wikipédia alerte sur un certain nombre de points. Tout d’abord, il aime bien provoquer : « Rien ne m’amuse plus que de détruire des théories si bien établies » déclare-t-il. Didier Raoult aime donc les controverses et ne craint pas d’aller à contre-courant du consensus, dans son domaine comme dans des domaines dans lesquels il n’est pas spécialiste.

Dans le monde chrétien nous nous identifions souvent avec ces voix qui semblent prophétiques, seules contre tous. Elie, le prophète, n’a-t-il pas été le seul porte-parole de Dieu contre 450 faux prophètes de Baal ? Même chose pour pratiquement tous les autres prophètes de l’Ancien Testament, comme le prophète Michée dans 2 Chroniques 18, ou encore Jérémie. Tous ces prophètes ont été souvent seuls contre des dizaines ou des centaines d’autres voix, contre un « consensus » qui affirmait l’inverse de ce que Dieu disait. Il est tentant de s’identifier à eux, surtout quand on a déjà, en tant que chrétien, l’habitude de résister à des idéologies très « libérales », bien présentes dans les médias sur de multiples sujets de société par exemple.

Pas étonnant que face à un Didier Raoult, alors qu’on n’est pas spécialiste des maladies infectieuses, on se dise qu’il doit quand même avoir raison, seul contre tous, n’est-ce pas ? Mais là encore, on peut examiner si c’est un vrai prophète. Il suffit de relire ce qu’il disait au début de l’épidémie, en janvier et février 2020, quand il minimisait l’épidémie, qu’il parlait d’une « grippette » et qu’il disait « On va voir si on arrive à en tuer 10 000, mais ça m’étonnerait » (après deux confinements, on en est à plus de 90,000 mi-mars 2021) (les références, vérifiables car renvoyant à des articles en ligne publiés à l’époque, sont sur la page Wikipédia de Didier Raoult). On voit donc qu’un spécialiste, même sur des sujets sur lesquels il est a priori compétent, peut se tromper, surtout quand il a une tendance, comme Didier Raoult, à la provocation.

Autre point de vigilance concernant Didier Raoult : il n’hésite pas à prendre la parole, même quand il n’est pas compétent pour le faire. Par exemple, il n’est pas spécialiste du climat, et pourtant il nie contre toute évidence et contre le consensus scientifique la réalité du réchauffement. (Voyez ses prises de positions niant la réalité du changement climatique, encore en 2020, sur la page Wikipédia le concernant, avec les références à ses propos dans différents journaux). Bref, on peut être un grand scientifique et pourtant se tromper sur certains points.

Si un scientifique va à l’opposé du consensus scientifique, il faut donc rester très prudent et bien réfléchir et lire les avis de ceux qui lui répondent, avant de colporter ce qu’il dit, surtout quand on n’a pas les compétences scientifiques pour juger de la validité ou non de ses affirmations. Si le scientifique en question affirme des choses « sensationnelles », il faut encore plus vérifier dans quelles circonstances il l’a fait et si ses propos n’ont pas été déformés.

En voici encore un autre exemple. Mon ami m’a fait part du fait qu’une sociologue reconnue, Monique Pinçon Charlot, avait utilisé le terme « génocide » pour décrire ce qui se passait en rapport avec le Covid 19. Après vérification, voici ce qu’en dit la page Wikipédia de Monique Pinçon Charlot (page qui met aussi en avant d’autres aspects controversés de cette sociologue) : « En novembre 2020, Monique Pinçon-Charlot apparaît dans le film documentaire de Pierre Barnérias Hold-Up, traitant de la pandémie de Covid-19. Elle parle de la thèse d’un complot visant une « tentative d’holocauste des pauvres par les riches ». Mais Monique Pinçon-Charlot se désolidarise du documentaire deux jours après sa sortie et refuse d’en faire la promotion. Elle accuse le réalisateur et le producteur de Hold-up de ne pas lui avoir communiqué le court extrait qu’ils ont utilisé de son interview d’une heure. Elle leur reproche d’avoir tronqué sa pensée et instrumentalisé « quelques mots retenus au profit non pas d’une réflexion mais d’un montage choc au service de l’émotion et la colère ! ». Elle s’excuse par ailleurs d’avoir utilisé le « terme inapproprié d’holocauste » (on remarque les mêmes techniques contre lesquelles je mettais en garde plus haut).

Une remarque avant de conclure : vous aurez noté que j’utilise régulièrement Wikipédia pour m’orienter dans mes recherches. Mais, me direz-vous, l’encyclopédie libre en ligne est-elle fiable ? Il y a vingt ans, je n’aurais pas parié 100 € sur la fiabilité du modèle. Et pourtant, oui, Wikipédia est aussi fiable que d’autres encyclopédies, comme l’ont montré plusieurs études, dont une note parue dans le journal Nature en 2005, et d’autres recherches plus récentes dont une menée par l’Université d’Oxford commanditée par Wikipédia. J’utilise surtout la version anglaise qui est plus complète et plus fiable en général que la version française (car davantage d’utilisateurs vérifient les informations qui y sont publiées).

Mais surtout, je ne prends pas tout ce que j’y lis pour argent comptant. L’avantage de l’encyclopédie libre en ligne est qu’elle cite en principe les sources qui sont dès lors vérifiables. J’invite donc les lecteurs à l’utiliser comme base utile pour démarrer les recherches, mais en allant toujours vérifier par eux-mêmes les affirmations des contributeurs de l’encyclopédie.

En conclusion :

Les conséquences induites par le partage de messages jetant la suspicion sur le gouvernement et ses actions, sur les vaccins, sur la légitimité des élections, etc. peuvent être lourdes de conséquences : incitation insidieuse à la « résistance civile », à l’insurrection. Cela peut conduire un gouvernement d’extrême droite ou gauche au pouvoir en France dans un avenir pas si lointain… A force de semer le vent, on récolte la tempête.

Et puis, même sans parler de conséquences aussi extrêmes, le discrédit jeté sur la science et les scientifiques a d’autres conséquences bien concrètes dans le domaine où je travaille depuis des années, celui du changement climatique. En effet, je suis depuis 15 ans au moins confronté à des climato-sceptiques de tous poils qui a des degrés divers remettent en cause le consensus scientifique sur la responsabilité des activités humaines dans le réchauffement. On retrouve d’ailleurs les mêmes acteurs dans les polémiques autour du Covid 19, des « fake news » ou des élections américaines, et dans le cas du changement climatique : Didier Raoult, Donald Trump et mon ami « Stéphane » sont climato-sceptiques.

Or on retrouve les mêmes techniques de manipulation dans le complotisme récent. Ceux qui ont œuvré à la désinformation par rapport à la dangerosité de la cigarette, puis du réchauffement climatique, ont bien travaillé. Leurs techniques sont maintenant copiées et imitées et ce sont souvent les mêmes personnes, les mêmes lobbies qui sont aux commandes pour « semer le doute ». Ainsi, par un curieux retournement peut-être, ce sont les complotistes eux-mêmes qui souvent sont manipulés par des lobbies. Mais au final, le complotisme éloigne des vrais problèmes comme le changement climatique par exemple.

Enfin, faites une recherche pour vérifier s’il n’existe pas des arguments répondant à ceux présentés par l’article que vous lisez, et quels sont ces arguments. La réalité est souvent très compliquée ; sur à peu près tous les sujets il existe des débats contradictoires, surtout sur un sujet comme le Covid qui est encore nouveau et mal connu ; la difficulté est de savoir faire la distinction entre les « vraies » controverses, qui sont souvent présentes à la frontière de la recherche, là où les chercheurs sont obligés d’émettre des hypothèses qu’ils s’efforcent de valider ou d’invalider ; dans d’autres cas, comme pour le changement climatique, la science est ancienne (il y a presque exactement 200 ans que Joseph Fourrier a théorisé le mécanisme de l’effet de serre, comme une recherche rapide sur internet vous le prouvera en quelques clics) mais la controverse est récente et entretenue artificiellement.

Car il faut que vous soyez conscients que le crime du « doute » (semé dans les esprits) profite à des personnes qui exploitent notre crédulité. C’est le « doute » persistant dans la tête d’un certain nombre de personnes à propos du changement climatique qui permet l’inaction à ce sujet (et donc la hausse continue de la vente de SUV ou autres…). Car ce doute-là profite au statut quo, à ceux qui veulent continuer le business as usual. Voir à ce sujet le livre de Naomi Oreskes  Les Marchands de doute et le récent documentaire sur Arte (2021) La Fabrique de l’ignorance.

Ce qui est rassurant, et ce que cet ouvrage et ce documentaire montrent bien, c’est que la vérité finit quand même le plus souvent par triompher. Mais pour certains – comme tous les morts du cancer du poumon, trompés par les manœuvres des fabricants de tabac - la vérité éclate trop tard !

Jean-François Mouhot,
Directeur de l’Association A Rocha France

Cet article est la troisième partie d’un long article intitulé « Covid, Climat, Complots : quelques pistes de réflexions », publié en 4 parties du 16 au 19 mars sur InfoChrétienne. Retrouvez les différentes parties ici: Partie I - Partie II - Partie IV.


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